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[INTERVIEW] Treponem Pal
Treponem Pal, ce nom ne vous dit peut-être rien, pourtant le groupe est l’un des pionniers d’un genre tout entier « l’industriel ». Apprenons-en plus sur ce style et ce groupe français à découvrir ou redécouvrir ce 23 septembre 2023 au Ferrailleur.

Avant de parler du groupe qui nous intéresse

C’est quoi l’industriel ?

C’est un nouveau genre né dans les années 70, qui, comme le dit AllMusic (base de données consacrée à la musique), est « une fusion abrasive et agressive de rock et de musique électronique ».

Les influences des groupes fondateurs sont multiples : punk, fusion, psyché ou même reggae, mais ce qui en ressort toujours, c’est ce besoin de s’exprimer autrement avec en toile de fond la transgression et la provocation.

Le genre se scinde en deux :

  1. Un côté plutôt électro, porté par des groupes comme « Throbbing Gristle » ou « Cabaret Voltaire », qui donnera entre autres l’electronic body music (très proche du métal)
  2. L’autre plus rock, inspiré de groupes comme « The Velvet Underground ».
Treponem Pal © Crédit photo : Photo DR

Il est alors tout naturel qu’à la faveur des années 80, de nombreux groupes se réapproprient ce style et le font évoluer en rock/métal.

Au États-Unis on retrouve « Nine Inch Nails » ou « Ministry » ;

En Angleterre des groupes comme « Godflesh » ;

En Allemagne « Die Krupps » qui donnera le « Neue Deutsche Härte », le métal indus allemand.

Et en France, sous l’impulsion de musiciens underground qui collaborent avec les artistes étrangers, les sonorités « indus » prennent racine jusqu’à donner, en 1986, le groupe reconnu comme le premier groupe de métal industriel français « Treponem Pal ».

C’est quoi Treponem Pal ?

C’est d'abord le nom donné à la bactérie de la syphilis chez l’homme, mais c’est aussi un groupe qui débute en 1986 avec du métal indus très inspiré du punk hardcore et du groove, leur permettant, dès leur deuxième album en 1991, de partir en tournée nord-américaine avec « Ministry »

Ils enchainent les tournées avec tous les autres pionniers du genre, et sortent en 1993 un troisième album.

En 1997, le groupe se lance dans la confection de leur quatrième album « Higher ».

Avec cet album le groupe montre encore une fois tout son talent, car même si l’album est plus électro que les précédents, c’est surtout l’influence reggae/dub qui marque.

Ce qui amènera à une séparation temporaire permettant à Marco (le frontman) et d’autres membres de se consacrer à un projet dub sous le nom d’« Elephant System »

Le groupe se reforme en 2008 pour un album plus puissant à l’ambiance psyché « Weird Machine » avec en guest feu Paul Raven (éminent bassiste de Killing Joke, Godflesh, ou Ministry).

En 2013, alors que le groupe est en tournée pour son sixième album « Survival Sounds » (avec un passage par le Hellfest) 16 de ses titres seront remixés par de grands noms tels que « Asian Dub Foundation », « Dee Nasty », « Lofofora », ou « Punish Yourself » pour un album unique : « Evil Music for Evil People »

Le groupe sortira alors en 2017 un album, « Rocker’s Vibes » composé à 50% de reprises.

Et enfin, en 2023, arrive « Screamers » : véritable synthèse de tout ce que le groupe à pu offrir, réunissant toutes leurs expériences et toutes les influences musicales qui ont donné sa personnalité à ce groupe unique.

Nous aurons la chance de les avoir à Nantes ce vendredi 23 septembre au Ferrailleur, avec « Horskh » en première partie, c’est un concert à ne pas manquer !

L’interview

Lors de notre passage au Hellfest nous avons eu la chance d’avoir Marco pour une interview à retrouver juste ici.

Interview Treponem Pal
Hellfest 18 juin
Treponem Pal au Hellfest © Crédit photo : Iron Malt

Iron Malt : groupe formé en 1986, Treponem Pal est le pionnier de l’indus en France, et en amoureux de l’indus que je suis, c’est avec une joie non dissimulée que je commence cette interview, Treponem Pal bonjour !

Treponem Pal : Salut !

IM : Première question : la dernière fois que vous étiez au Hellfest c’était en 2013, ça fait quoi de revenir dix ans plus tard ?

TP : Ça fait plaisir, évidemment, de retrouver une partie de notre public, et un public qui ne nous connaissait pas non plus, c’est clair.

On est là depuis très très longtemps, on est apparus, disparus, la vie Rock’n Roll si on peut dire, c’est classique.

Mais on revient en forme avec un nouvel album qui a été très bien accueilli, c’est assez incroyable, et avec cette signature avec « At(h)ome Records », qui nous ont énormément épaulés pour la sortie de ce nouvel album, c’est quelque chose de très fort, et la participation pour les concerts de « Basse Production », Laurent Lefebvre, qui s’occupe de nous trouver les dates pour l’avenir.

Alors j’espère que cette date au Hellfest, va faire parler autour de nous, en France et ailleurs, en bien, et que ça nous amènera d’autre concerts et d’autres festival.

IM : Je l’espère également.

On va revenir un peu sur votre carrière.

Une chose que l’on remarque, c’est que bon nombre de musiciens qui sont passés par Treponem Pal ont par la suite fondé ou rejoint d’autres formations, comme « les Martyrs », « Fast Forward », « Collapse » ou « Mass Hysteria ». Est-ce que Treponem Pal est un vivier de nouveaux talents ?

TP : Un vivier ça je ne sais pas, on a peut-être influencé des groupes à droite à gauche, maintenant, je trouve ça prétentieux donc je n’aime pas trop dire ça.

Mais oui, il y a pas mal de groupes qui ont évolué en même temps que nous je dirais et qui avaient envie de la même chose, la même énergie, et c’est très bien.

IR : Bon on va parler d’un moment très célèbre, votre passage dans l'émission Nulle Part Ailleurs. Pour les plus jeunes : lors de votre set, votre roady a effectué un strip-tease. A l’époque tous les médias vous ont craché à la gueule et personne ne vous avez demandé votre avis.

Aujourd’hui rétrospectivement, que pourriez vous dire sur le sujet et quel est votre version des faits ?

TP : Simplement que nous étions des enfants fous de la révolte et de la provocation et ça fait partie de notre histoire, je n’ai pas envie de revenir dessus plus que ça, ça fait partie de notre histoire, maintenant à l’heure qu’il est, est-ce qu’on referait ça, j’en suis pas sûr.

IR : Vous avez aussi fait une apparition dans l’opérette du Professeur Choron : « Ivre mort pour la patrie », racontez-nous ça.

TP : Choron, qui est à la base du magazine « Harakiri » et « Charlie Hebdo », c’était un rockeur incroyable et un rebelle incroyable, qui donnait dans la provocation, comme on a pu faire en parallèle, assez démesuré.

On a eu des atomes crochus avec lui et il nous a invité à participer à ce long métrage qui s’appelait « Ivre mort pour la patrie ».

Dedans il y avait Plastic Bertrand, Luis Rego, Chabat, toutes sortes d’acteurs et de gens plus ou moins connus qui ont participé à ça avec plaisir, et pratiquement gratuitement, c’était toujours un plaisir de participer à quelque chose de fort et de rebelle comme le Professeur Choron savait le faire, tu vois, donc c’est une super expérience ouais.

On retrouve [...] même dans la musique, des mecs qui ont une attitude, un discours fasciste tu vois ? Et ça c'est un truc qu'on ne supporte pas.
—Marco, Treponem Pal

IR : En 2001 le groupe fait une pause afin de se consacrer au projet Reggae/DUB : Elephant System, on pourrait croire à un changement, pourtant on sent déjà l’influence Dub sur votre album précédent « Higjer » sorti en 97, c’était un besoin de partir vers une contrée plus calme à ce moment-là ?

TP : Ouais, à la fin d’« Higher » je commençais à saturer de l’énergie de Treponem Pal et ma culture musicale est à 50% Reggae/DUB au même niveau que le Rock Indus, le Punk Rock ou le Hardcore, des choses comme ça. J’ai toujours évolué là-dedans et j’avais un sound system qui s’appelait « Dub Action » à cette époque-là qui tournait bien et j’avais envie de plus m’y investir.

Avec les Treponem Pal de l’époque on avait envie d’une expérience Reggae/DUB, et on a pu rencontrer un producteur qui s’appelle Adrian Sherwood et que je connaissais depuis 20 ans mais que je n’avais jamais approché. Avec mon sound système, on a fait sa première partie.

Il faut savoir qu’Adrian Sherwood a été le producteur des premiers Nine Inch Nails, mais aussi de l’album « Twitch » de Ministry qui est un album électro, et c’est un producteur qui a produit aussi Lee Perry. Je ne sais pas si tu connais le Reggae mais  Lee Scratch Perry c’est le mec qui a donné les premières productions de Bob Marley.

Donc il a produit énormément de Reggae en parallèle, donc très ouvert musicalement. Ensemble on fait les maquettes pour Elephant System, je l’ai branché et ça a marché.

Ça l’a intéressé, et parce qu’on était devenu très copains aussi, il avait bien compris qu’on connaissait ses bases.

De travailler l’Indus, comme Nine Inch Nails ou Ministry, mais aussi travailler le Reggae, et moi j’arrivais avec Elephant System, un projet Reggae et ça a mis dans le mille. On était en major avec Mercury pour l’album « Higher », je suis allé voir directement le boss en lui disant « C’est bien mais là je n’ai plus envie de faire Treponem Pal, j’ai envie de faire un truc Reggae/Dub, ça s’appelle « Elephant System », qu’est-ce t’en penses ? »

Il a écouté les démos et quand il a su qu’on allait le faire avec Adrian Sherwood, il m’a donné le feu vert et c’est comme ça qu’on a fait cet album qu’on kiffe énormément. On a fait une seule tournée, une très bonne tournée, avec cet album, avant de passer à autre chose. Moi j’ai travaillé, fait des compilations pour des maisons de disque dans différents genres : Metal, Reggae/Dub, etc, des choses très différentes, avant de revenir à Treponem Pal en 2006, c’est là que Polak est arrivé à la guitare.

IR : Vous avez déclaré que le Reggae/DUB et le Punk/Hardcore évoluaient en parallèle, alors comment fait-on une réunion perpendiculaire de ces genres ?

TP : C’est naturel chez nous, sur « Higher » par exemple tu as 3 morceaux, « Panorama » qu’on a joué tout à l’heure, « the Struggle » et « Freetribe » qui est un morceau complètement Dub et Heavy/Indus. On avait déjà commencé à les faire en 97, donc ça on sait faire. Pour l’avenir on a envie de plus d’ambiances comme ça, toujours heavy mais avec un groove énorme.

IR : Le groupe est un habitué des reprises, avec par exemple « Planet Claire » des B52’s, et avant, en 2013, avec l’album « Evil Music for Evil People » dans lequel il y avait 16 titres remixés d'Asian Dub Formation, Dee Nasty, Lofofora ou encore Punish Yourself. Pourquoi remixer ces morceaux ?

TP : Parce qu’on aime bien les remix. Moi j’aime bien entendre les remix des autres. C’est marrant de donner ta musique à quelqu’un, il en fait ce qu’il veut, et après tu prends ou tu laisses. Si ça ne te plait pas, tu le jettes et si ça te plait, tu le publies et tu le sors.

Et là, tous les gens qui nous ont proposé ça pour cet album de remix, c’était vraiment super. C’était une très bonne expérience.

Sans parler de la musique de Treponem Pal, j’aime bien écouter les remix que Nine Inch Nails ont fait de Puff Daddy par exemple. Ce sont des remix de tueries avec des voix hip-hop terribles et des ambiances typiquement Metal Indus ou Rock Indus, qui viennent se coller dedans. Tu décolles sévèrement et pour moi la musique, c’est fait pour décoller.

IR : En ce moment on vit un regain d’intérêt pour l’Indus en France, et justement le 13 Juillet 2018 vous jouez avec Ministry, avec qui vous avez joué en 1992, mais aussi avec le petit groupe qui monte Shaârgoth. Vous pensez quoi de cette nouvelle vague Indus ?

TP : Ah très bien, il assure grave dans le genre, Shaârghot ! Punish Yourself était là un peu avant évidemment. Il y a Horskh aussi, avec qui on va faire des dates à la rentrée. Je suis vraiment très content de cette nouvelle vague.

Alors, Shaârghot et Horskh ont un côté moins Rock’n Roll que Punish et Treponem Pal, un coté beaucoup plus Electro Indus. C’est une tendance différente mais qui est très bien, non, bravo ! Bravo ! La relève est là !

IR : Mais pourquoi, avec ce retour de l’Indus, « Treponem Pal » n’est pas sur le devant de la scène, c’est pourtant vous les tauliers ?

TP : Oui enfin les tauliers, je ne sais pas les tauliers de quoi ?

Disons que les choses se passent comme elles se passent, voilà. Ces groupes émergent, ils ont une nouvelle énergie, une attitude, un décor et un maquillage sur scène. Nous, ce n’est pas notre truc, on est beaucoup plus brut de décoffrage, si on peut dire.

Maintenant je pense que pour des groupes comme Shaârghot ou Punish, c’est le jeune public qui aime ce genre de choses. Comme ce qu’il y a dans le Death Metal, les mecs maquillés comme Kiss, ils l’ont fait il y a déjà cinquante ans. Il y a un public pour ça, nous ce n'est pas notre truc.

IR : On va parler un peu de votre dernier album « Screamers » sorti en mars dernier, véritable évolution de tout ce que sait faire le groupe, puisqu’on retrouve toutes vos influences passées, Indus, Hardcore, Psyché, Reggae.

Arriver à un tel point d’orgue explique le long processus de création et le fait que vous ayez refait 70% de l’album avant sa sortie.

TP : Oui on a fait une première version de l’album et il s’est trouvé qu’a un moment donné, je me suis dit : il y a des voix à refaire, des paroles à refaire, des habillages à refaire... donc on a pris du temps pour reconstruire ça, reconstruire certains morceaux et ça a pris un peu de temps.

A un moment il faut que tu tu arrêtes, forcément, sinon c’est l’histoire sans fin. On s’est arrêté et c’est là qu’on a démarché et signé avec At(h)ome Records.

Treponem Pal au Hellfest © Crédit photo : Iron Malt

IR : « Screamers » : le titre est assez clair. Dans le clip du morceau éponyme on voit le cochon capitalisme et vous portez des brassards arc-en-ciel, c’est tout ce contexte actuel qui vous fait crier ?

TP : Oui évidemment, on vit dans un monde d’intolérance, ça a pris une dimension incroyable. Si vous partez à l’étranger, il y a des pays où si tu es gay ou si tu es différent, on te fout en taule, voire on te tue.

En France, on voit, dans les quartiers, dans les milieux bourgeois, peu importe le milieu social, cette intolérance. Je peux parler du milieu gay mais on peut aussi parler des couleurs de peau. Moi, je viens des quartiers, j’ai grandi avec les arabes et les noirs, donc tu ne peux pas me la faire, tu vois ? C’est un truc qu’on retrouve même dans le rock, même dans la musique, il y a des mecs, sans citer de noms, qui ont une attitude ou un discours fasciste. Et ça c’est un truc qu’on ne supporte pas.

Dès le premier clip, je ne voulais pas refaire la promo de NPA (Nulle Part Ailleurs), mais dès le premier clip « Screamers » on a mis les brassards LGBT pour manifester le droit à la différence, et pas pour signifier le fait qu’on soient gays ou pas gays, qu’importe !

Et pour le droit à la différence et le refus de toutes autorités, donc les flics avec les nez de porc et les curés dans le même sac !

IR : Et bien merci pour cette interview Marco !

TP : C’est moi, merci.

Iron Malt avec Treponem Pal au Hellfest © Crédit photo : Iron Malt

Retrouve l’article d’Iron Malt au Hellfest 2023 en intégralité :

Publié le
Un article réalisé par : Jonathan Hernot
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